De Verdi à Eric Clapton : scènes et salles mythiques d’Amérique latine – 2e acte

Après Buenos Aires, Bogotá, Montevideo et Manaus, le second voyage que vous propose la Cotal à la découverte des plus belles salles de spectacle latinoaméricaines débute et s’achève à México. Entre les deux, il vous mènera De Santiago à Managua avec des détours par Quito ou le Brésil. Place aux arts et aux artistes !

 

Vue aérienne du Palacio de Bellas Artes de México (© Claudia Beatriz Aguilar via Wikimedia Commons)

Quand opéra, danse et musique classique partagent l’espace avec les Beaux-Arts ou la politique

Le majestueux Palacio de Bellas Artes de México ne ment pas sur sa vocation : il n’est pas seulement une salle de concert où l’on célèbre la musique, la danse et l’opéra. Le théâtre et les arts plastiques ont toute leur place dans ses murs et l’on y trouve deux musées, respectivement dédiés aux beaux-arts et à l’architecture. C’est aussi dans ici que sont basés l’Orchestre symphonique et les compagnies nationales de théâtre, de danse et d’opéra.

 

Le Palacio de Bellas Artes de México en 1915, alors que sa construction est interrompue (Wikimedia Commons)

 

Haut lieu de la culture mexicaine, le Palais des beaux-arts est également un joyau architectural qui a la particularité d’avoir été bâti en deux temps, évoluant du style Art nouveau de sa façade au style Art déco de son intérieur finalisé plus tard. Il faut dire que les travaux décidés par le président Porfirio Diaz, débutés en 1904, sont interrompus en 1912 en raison de sols instables puis par la Révolution. Ils ne reprennent qu’en 1928 pour être achevés en 1934. Le théâtre national qu’abrite encore le palais aujourd’hui est le seul au monde à être équipé d’un rideau en cristal, le légendaire telón de cristal.

 

Le telón de cristal (ou rideau de cristal) du Palacio de Bellas Artes à México

 

Teatro Municipal de Santiago, au Chili

 

Au Chili, le Ballet, l’Orchestre Philharmonique, le chœur et l’orchestre de chambre de Santiago ont pour point commun de résider au « Municipal », ou Teatro Municipal de Santiago. Inauguré en 1857, le bâtiment est signé de François Brunet de Baines, diplômé des Beaux-Arts de Paris, qui s’inspire sans surprise du style néoclassique français. La longue histoire du théâtre est marquée par de grands moments d’art scénique mais aussi par des dates historiques, comme celle du 8 janvier 1949 et la signature de la loi autorisant les femmes chiliennes à voter.

 

Des théâtres nationaux qui veulent incarner la modernité et rayonner au-delà de leurs frontières

Sorti de terre en 1886, le Teatro Nacional Sucre, à Quito, compte parmi les plus anciens du continent. C’est lui aussi un modèle de néoclassicisme, dont on peut lire sur le site officiel que « son style de construction confirme les prémisses au niveau latinoaméricain d’un tournant progressiste et libérale, le néoclassicisme étant l’architecture officielle du libéralisme ». Comme dans bien d’autres salles sud-américaines, Le Teatro Nacional Sucre s’érige tel un symbole de progrès, d’ouverture au monde et de civilisation qui témoigne autant d’un réel intérêt pour la culture que d’un souci d’image et de rayonnement.

 

Le Teatro Nacional Sucre, à Quito, de nuit (© Dimplemonkey via Wikimedia Commons)

 

Et les capitales ne sont pas les seules concernées par ces influences européennes, comme l’attestent le style néoclassique du Teatro de la Republica, à Querétaro au centre du Mexique (1852), ou le teatro Ángela Peralta du Vieux Mazatlán, station balnéaire prisée du Sinaloa (1874), dessiné dans un esprit romantique typique du XIXe siècle, salle en « fer à cheval » et style italien inclus. Sauvé de l’abandon dans les années 1980, ce théâtre sur 3 niveaux a retrouvé sa splendeur originelle et accueille entre autres temps forts le Festival Cultural Mazatlán.

Dans ce contexte, le Teatro Nacional Ruben Dario de Managua, qui a ouvert ses portes au début des années 1970 dans la capitale du Nicaragua, mérite d’être cité à au moins deux titres : d’abord, son – relatif – jeune âge et son architecture extérieure étonnamment moderne, plus américaine qu’européenne, le distinguent de la plupart des grands théâtres d’Amérique latine ; ensuite, il revêt une dimension iconique aux yeux des Nicaraguayens pour avoir été l’un des rares bâtiments à résister au tremblement de terre dévastateur de 1972.

 

L’intérieur du Tatro Ángela Peralta (© Teatro Ángela Peralta)

 

Le Teatro Nacional Ruben Dario de Managua (Nicaragua)

 

La Cidade das Artes, une œuvre « perchée » de l’architecte français Christian de Portzamparc

Faire tenir une petite ville dans une grande structure surélevée : c’est le pari relevé par Christian de Portzamparc, à qui l’on doit la Cidade das Artes inaugurée à Rio en 2013. Entre mer et montagne, ce bâtiment qui surplombe un échangeur autoroutier oppose son atypisme à la monotonie urbaine du quartier résidentiel excentré de Barra da Tijuca grâce à sa conception audacieuse. Impossible, lorsque l’on emprunte les axes très fréquentés qui le ceinturent, de manquer ce complexe culturel pensé comme une petite citée perchée, « flottant » au-dessus d’un parc public et d’un jardin tropical et aquatique dessiné par le paysagiste carioca Fernando Chacel.

 

Cidade das Artes, Rio de Janeiro (© Diego Baravelli via Wikimedia Commons)

 

Depuis sa terrasse à 10 mètres de hauteur, on accède à l’ensemble des installations : salle philharmonique transformable en salle d’opéra, salle de musique de chambre, salles de répétition, salle électroacoustique, lieux d’exposition, cafétéria, espaces polyvalents… Mais on profite aussi et surtout d’une vue sur les plages finalement toute proches, les lacs alentour et les premiers reliefs à l’horizon. « Son architecture encadre et fait écho aux belles courbes des montagnes de la Siera Atlantica et la ligne de la mer », explique Christian de Portzamparc sur son site internet. Avec cette « cité des arts » qu’il présente comme « une grande maison, une grande véranda au-dessus de la ville », l’architecte dit rendre hommage à « un archétype de l’architecture brésilienne ».

 

Héritées du passé ou tournées vers l’avenir, de grandes salles pour accueillir de grandes stars

Il y a des salles aux courbes harmonieuses, et d’autres aux dimensions vertigineuses. C’est le cas du Mineirinho, surnom de l’Estádio Jornalista Felipe Drummond, à Belo Horizonte, une salle omnisports brésilienne qui figure parmi les 10 plus grandes du monde avec ses 25 000 places. Sa construction débutée en 1973 a été interrompue en raison de problèmes techniques pour ne reprendre qu’en 1977 et s’achever 3 ans – et un gros surcoût – plus tard. On doit au gouverneur Pacheco le projet d’ériger une salle multisports près du stade Mineirão et du centre sportif de l’université fédérale du Minas Gerais, au cœur de l’Ensemble moderne de Pampulha.

 

Vue panoramique des gradins du Mineirinho (© Dimitri Bitu, juillet 2009)

 

Estádio Jornalista Felipe Drummond, gymnase omnisport de Belo Horizonte. (© Cid Costa Neto, 2006).

 

Si ce gymnase géant peut se targuer d’être le plus grand de la planète à disposer d’un toit en béton, il est aussi connu pour avoir accueilli de nombreuses rencontres sportives, les concerts de stars telles que Bob Dylan ou Eric Clapton ainsi que des offices religieux dont on devine la ferveur. Centre de presse lors du Mondial 2014, l’édifice qui n’accueille plus aujourd’hui qu’une foire artisanale hebdomadaire vient d’être racheté aux enchères par le consortium privé DMDL/Progen, déjà propriétaire du stade du Pacaembu à São Paulo. L’acquéreur, qui n’a déboursé que 103 000 reais, soit environ 20 000 €, souhaite que le futur du site s’articule, dès 2023 et après quelques travaux, autour de trois axes : l’événementiel, le sport et la gastronomie.

Plus petite avec « seulement » 22 000 places, la Arena Ciudad de México ou Arena CDMX, qui a ouvert ses portes en 2012 à Azcapotzalco dans la banlieue de México, n’en affiche pas moins des chiffres spectaculaires : plus de 30 000 tonnes d’acier, 100 000 m³ de béton, 45 mètres de hauteur, 5 000 places de parking, près d’un millier d’écrans LCD et presque autant de caméras de sécurité, deux héliports mais aussi plus d’une centaine de suites luxueuses avec vue sur l’intérieur de l’arène pour profiter du show au plus près mais en toute intimité. Le tout se veut à la pointe, concentrant le meilleur de la technologie et du confort pour conquérir spectateurs et artistes. En une décennie, nombreux sont les événements de grande ampleur à s’y être tenus, des représentations de Disney on Ice aux matchs de NBA,  et les vedettes à s’y être produites, de Bruno Mars à David Guetta. 

 

La Arena CDMX, à México (© PR. Ednasantos via Wikimedia Commons)

 

De courbes éblouissantes en dimensions étourdissantes, toutes ces salles grandioses ont pour point commun de s’inscrire dans le cadre de projets urbains, architecturaux et culturels ambitieux pour leur époque. Indépendamment de leur programmation artistique, elles valent donc le coup d’œil pour leurs atouts esthétiques quand elles ne méritent pas une visite guidée pour apprécier leur valeur historique. Sur scène comme en coulisses, ces lieux généralement photogéniques présentent en tout cas un vrai intérêt touristique.

 

La Cidade das Artes, Rio de Janeiro (© Wusel 007 via Wikimedia Commons)